dimanche 2 mars 2014

AU PAIN, Pablo Neruda

Pain,
de farine, 
d’eau
et de feu 
tu te fais. 
Épais et léger,
tassé et rond, 
tu répètes 
le ventre
de la mère,
germination
équinoxiale 
et terrestre. 
Pain, 
que tu es
simple et profond : 
sur le plateau blanc 
de la boulangerie,
tes rangées s’allongent,
comme d’ustensiles, d’assiettes
ou de feuille de papier, 
et soudain, 
la marée
de la vie,
la conjonction du germe
et du feu, 
tu croîs, croîs
soudain
comme 
taille, bouche, seins,
collines de terre, 
vies, 
la chaleur monte, la plénitude
t’inonde, et le vent
de la fécondité, 
et alors
ta couleur d’or s’immobilise,
et quand sont pleins
tes petits ventres, 
la cicatrice brune
a déposé sa brûlure
en tous lieux de ton 
système doré d’hémisphères.
Maintenant,
intact,
tu es 
action d’homme,
miracle répété,
volonté de la vie

O pain de chaque bouche 

nous
ne t’implorons pas, 
les hommes 
ne sont pas 
mendiants 
de vagues dieux 
ou d’anges obscurs : 
de la mer, de la terre
nous ferons du pain,
nous sèmerons le blé 
la Terre et les planètes
le pain de chaque bouche, 
de chaque homme, 
chaque jour
sera là parce que nous serons allés
le semer
et le faire, 
non pour un homme mais
pour tous, 
le pain, le pain 
pour tous les peuples,
et avec lui nous répartirons
ce qui a forme
et goût de pain : 
la terre, 
la beauté,
l’amour, 
tout cela 
a goût de pain,
forme de pain, 
est germinal comme la farine
tout
est né pour être partagé, 
pour être donné,
pour se multiplier. 

Aussi, pain,

si tu fuis 
la maison de l’homme,
si on te cache,
te refuse, 
si l’avare
te prostitue,
si le riche 
t’accapare,
si le grain
ne va pas au sillon, à la terre,
pain, 
nous ne prierons pas,
pain, 
nous ne mendierons pas, 
nous nous battrons pour toi aux côtés d’autres hommes,
de tous ceux qui ont faim,
par tous les fleuves, par tous les airs
nous irons te chercher,
nous répartirons toute la terre
pour que tu germes,
et la terre avancera
avec nous :
l’eau, le feu, l’homme
lutterons avec nous. 
Nous irons, couronnés
d’épis,
conquérir 
terre et pain pour tous,
et alors
la vie aussi
aura forme de pain,
elle sera simple et profonde,
innombrable et pure. 
Tous les êtres
auront droit
à la terre et à la vie,
et ainsi sera le pain de demain,
le pain de chaque bouche, 
sacré,
consacré, 
parce qu’il sera le produit
de la plus longue et la plus dure 
lutte humaine. 

Elle n’a pas d’ailes 

la victoire terrestre ; 
elle a du pain aux épaules, 
courageuse elle vole
et libère la terre, 
comme une boulangère 
que porte le vent. 









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